ADOLESCENTE. FILLE. MILITANTE.

Alors que les mesures de confinement liées au coronavirus s’abattaient sur le monde entier, les retombées sur les filles n’ont pas tardé à se faire durement sentir.
Les restrictions de déplacements mises en place pour enrayer la propagation de la COVID-19 peuvent aggraver la violence liée au genre et empêcher les filles d’accéder à une éducation de qualité.
Même avant les confinements liés à la pandémie, de nombreuses filles se retrouvaient déjà enfermées dans des stéréotypes liés au genre qui limitaient leurs perspectives d’avenir.
La plupart des filles ne grandissent pas dans un monde de possibilités.
Elles se le construisent.
Les adolescentes jouent depuis longtemps un rôle de premier plan en faveur du progrès, de Malala Yousafzai, jeune militante pakistanaise pour l’éducation, à Muzoon Almellehan, réfugiée syrienne, en passant par Greta Thunberg, porte-parole de la lutte contre les changements climatiques et par toutes les autres filles qui leur ont ouvert la voie ou emboîté le pas. Une génération tout entière d’adolescentes réclame haut et fort l’égalité.
Voici le parcours de cinq jeunes femmes qui n’attendent plus que le changement vienne à elles.
LA FILLE DERRIÈRE LA CAMÉRA.
Dakar, Sénégal
Oumou Kalsoum Diop, 18 ans, recueille les témoignages de filles de sa communauté. Des témoignages qui doivent être partagés, dit-elle.
Les agressions sexuelles ont augmenté depuis le début de la pandémie de COVID-19. Les jeunes femmes sont obligées de rester chez elles, parfois avec leur agresseur.
Oumou prend sa caméra et sillonne les rues. « Je regarde des films depuis que je suis petite, mais je ne savais pas qui se trouvait derrière la caméra. »
Aujourd’hui, c’est elle qui braque sa caméra sur des sujets qu’elle connaît bien. L’un de ses projets raconte l’histoire vraie de l’une de ses camarades, obsédée par l’idée de perdre du poids. La jeune femme prend tout un éventail de médicaments dans l’espoir qu’ils l’aideront à maigrir. Au lieu de quoi, ces médicaments la tuent.






Oumou filme un entretien sur un marché dans la commune de Yoff, à Dakar, au Sénégal.
Oumou filme un entretien sur un marché dans la commune de Yoff, à Dakar, au Sénégal.

Oumou passe en revue les images que ses collaborateurs et elle ont réunies afin de réaliser un documentaire.
Oumou passe en revue les images que ses collaborateurs et elle ont réunies afin de réaliser un documentaire.

Oumou filme un entretien avec un jeune homme sur la plage de Yoff.
Oumou filme un entretien avec un jeune homme sur la plage de Yoff.

À la fin de la journée, Oumou passe du temps avec son amie Astou Diallo, 17 ans (à gauche), sur la corniche près de la mer.
À la fin de la journée, Oumou passe du temps avec son amie Astou Diallo, 17 ans (à gauche), sur la corniche près de la mer.

Oumou, chez elle, serre son petit frère et sa petite sœur dans ses bras.
Oumou, chez elle, serre son petit frère et sa petite sœur dans ses bras.
Certains soirs, Oumou anime des discussions de groupe avec des adolescents de sa communauté. Ils abordent les problèmes rencontrés par les filles, tels que le harcèlement sexuel.
Quand un jeune homme du groupe conseille aux femmes de s’habiller sobrement de manière à éviter les violences sexuelles, Oumou lui répond fermement. « Quels que soient les vêtements que porte une femme, vous n’avez pas le droit de la violer. »
Ces conversations ne font que renforcer sa motivation.
« Nous devons dire ce que nous avons sur le cœur », affirme-t-elle aux jeunes femmes qu’elle rencontre au centre communautaire, à l’école ou en ville. « Ne gardez pas cela pour vous. »
LA CONSEILLÈRE ADOLESCENTE.
Paquiestancia, Équateur
La journée de Belen Perugachi commence avant l’aube. À 4 heures, la jeune fille de 16 ans se lève avec les vaches : sa famille vend les 20 litres de lait qu’elle produit chaque jour sur le marché local, au prix de 0,43 dollar le litre.
Jusqu’au jour où la pandémie a frappé. Le prix du lait s’est effondré et le marché a fermé.
L’agriculture et l’élevage constituent la première source de revenu pour de nombreuses familles de la communauté rurale de Paquiestancia, en Équateur. Ainsi, lorsque le marché principal de Cayambe a fermé, Belen et le groupe de jeunes qu’elle anime ont pris les choses en main et ont ouvert un nouveau marché afin de soutenir les femmes et leur famille.
Belen ne vise pas seulement à préserver l’économie locale. Elle entend aussi perpétuer les traditions locales. À 16 ans, elle est la plus jeune membre du Conseil de protection des droits de la municipalité de Cayambe. En 2019, elle est même devenue la première adolescente élue vice-présidente de ce conseil.
Belen défend les droits des populations autochtones sur la scène mondiale. En 2018, elle s’est rendue au Chili dans le cadre d’un événement organisé par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes.
« Ma participation a envoyé un message à toutes les filles autochtones d’Amérique latine », affirme-t-elle. « Je leur ai dit de se battre pour leurs droits et d’être fières de leurs traditions. »
La « cérémonie de la purification », un rituel autochtone qui tend à disparaître au fil du temps, fait partie des traditions que Belen entend préserver.
« Aujourd’hui, près de 50 personnes de notre communauté participent à cette cérémonie. Nous demanderons aux montagnes sacrées de nous apporter la prospérité sur le marché. »
Avant d’ouvrir la cérémonie, Belen parcourt les montagnes de Mama Kayambi afin de collecter de l’eau sacrée. Dans sa culture, le volcan représente le pouvoir féminin, explique-t-elle.






Belen et sa sœur, Vicky, 8 ans, se rendent jusqu’à la source d’eau d’Ugshapamba, aux pieds du volcan Cayambe, afin de récolter de l’eau pure pour une cérémonie de purification.
Belen et sa sœur, Vicky, 8 ans, se rendent jusqu’à la source d’eau d’Ugshapamba, aux pieds du volcan Cayambe, afin de récolter de l’eau pure pour une cérémonie de purification.

Belen éparpille des pétales de fleurs en préparation de la cérémonie de purification.
Belen éparpille des pétales de fleurs en préparation de la cérémonie de purification.

Belen organise une cérémonie de purification afin d’apporter la bonne fortune sur le marché.
Belen organise une cérémonie de purification afin d’apporter la bonne fortune sur le marché.

Belen marche dans son jardin.
Belen marche dans son jardin.

Après la cérémonie de purification, Belen aide un ami à retirer le dard d’une abeille.
Après la cérémonie de purification, Belen aide un ami à retirer le dard d’une abeille.
Belen n’avait que 12 ans lorsqu’elle a décidé de défendre les droits des communautés autochtones en rejoignant le Groupe des enfants et des adolescents de Pueblo Kayambi.
« Je veux que les gens qui vivent dans une zone rurale aient les mêmes chances que ceux qui vivent en ville », affirme-t-elle. « J’imagine un monde dans lequel on respecte toutes les cultures et dans lequel on respecte les hommes et les femmes. Je rêve d’égalité.
LA CHAMPIONNE DE LA ROBOTIQUE.
Herat, Afghanistan
Somaya Faruqi, 17 ans, tourne l’interrupteur et ajuste un bouton. « Nous avons utilisé des pièces de voiture d’occasion que nous avons pu nous procurer localement pour assembler l’appareil », explique-t-elle.
Lorsque le premier cas de COVID-19 a été signalé dans la province d’Herat, Somaya et son équipe de robotique entièrement composée de filles se sont mises à travailler sur la conception d’un ventilateur à faible coût afin de traiter des patients atteints du coronavirus.
« Le projet n’a pas progressé pendant plusieurs jours, parce qu’il nous manquait des outils simples, tels qu’une vis », raconte Somaya. « Et pour ne rien arranger, les magasins étaient fermés en raison du confinement.
Trois mois plus tard, les filles ont toutefois réussi à produire une unité légère et facile à transporter, pour une fraction du coût des ventilateurs traditionnels.
Leur initiative a été remarquée par le Gouvernement. Somaya et son équipe se rendront bientôt à Kaboul, la capitale du pays, afin de présenter leur appareil au Ministère de la santé publique. S’il est approuvé, leur prototype pourrait être utilisé dans des situations d’urgence, lorsque les ventilateurs traditionnels ne sont pas disponibles.




Somaya et son père, Abdul Qahar Faruqi, posent devant la porte du garage de celui-ci, où la jeune fille a appris à construire ses inventions.
Somaya et son père, Abdul Qahar Faruqi, posent devant la porte du garage de celui-ci, où la jeune fille a appris à construire ses inventions.

Somaya montre à son petit frère, Farad Faruqi, 10 ans, comment fonctionne le prototype de l’une de ses inventions, une dépoussiéreuse pour les routes.
Somaya montre à son petit frère, Farad Faruqi, 10 ans, comment fonctionne le prototype de l’une de ses inventions, une dépoussiéreuse pour les routes.

Somaya et son équipe expliquent comment elles ont assemblé leur prototype de ventilateur à l’aide de pièces détachées de voiture.
Somaya et son équipe expliquent comment elles ont assemblé leur prototype de ventilateur à l’aide de pièces détachées de voiture.
« Il y a des milliers de filles en Afghanistan qui ont le même courage et la même détermination que moi pour susciter un changement positif », affirme Somaya. « Mais toutes n’ont pas les mêmes possibilités que moi. »
Les filles représentent environ 60 % des enfants déscolarisés en Afghanistan. Dans certaines provinces, jusqu’à 85 % d’entre elles ne vont pas en classe.
« Certaines de mes camarades ont dû abandonner l’école en raison d’un mariage précoce », raconte Somaya. Plusieurs raisons poussent les familles à marier leurs filles à travers le monde, dont le fait de se libérer de la charge économique qu’elles représentent. « Je sais à quel point elles auraient aimé poursuivre leur éducation... »
Les pensées de Somaya se tournent vers le prochain voyage de son équipe à Kaboul. « J’imagine que les gens se référeront à nous comme le premier groupe d’adolescentes à concevoir un ventilateur dans le monde. »
Pour l’heure, les filles continueront de se faire appeler par le nom officiel de leur équipe.
Ce sont les « Rêveuses afghanes ».
LA CHIMISTE SPÉCIALISÉE DANS LA RÉALITÉ VIRTUELLE.
Erevan, Arménie
Quand Hasmik Baghdasaryan est arrivée dans son nouveau lycée, c’est le laboratoire de chimie qui a attiré son attention.
« Mon école précédente n’avait rien de semblable », explique la jeune fille de 16 ans. « Beaucoup d’écoles n’ont pas l’espace nécessaire pour un laboratoire, sans parler du financement. »
La chimie n’était pas le fort d’Hasmik jusqu’à ce qu’elle commence à réaliser des expériences. « À force de rencontrer des problèmes, je me suis mise à me demander si les garçons étaient vraiment naturellement plus doués que nous pour les sciences. »
C’est à ce moment-là que la jeune fille a su qu’elle voulait rendre les sciences accessibles aux élèves de tous les milieux.
Elle a créé, avec d’autres cofondatrices, VR Labs, un laboratoire virtuel qui simule des expériences de science grâce à un casque de réalité virtuelle.
« C’est une chose de regarder une expérience réalisée par notre enseignant », explique-t-elle. « C’en est une autre de la réaliser soi-même. »
L’éducation en STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) est essentielle pour réussir dans le monde en constante mutation dans lequel nous vivons aujourd’hui. Cependant, de nombreuses filles n’ont pas les mêmes possibilités que les garçons de poursuivre des études en STIM et de développer les compétences de haut niveau dont elles ont besoin, une fois adultes, pour être concurrentielles dans le monde du travail.
À l’échelle mondiale, les femmes sont surreprésentées dans les postes les moins bien rémunérés et dans ceux les plus à risque de disparaître en raison de l’automatisation.
Hasmik espère que VR Labs inspirera davantage d’élèves à entreprendre des études et une carrière scientifiques.
